La paralysie du sommeil est un paradoxe du sommeil paradoxal, survenant durant ce dernier, elle se caractérise par une impossibilité pour le dormeur de se réveiller tandis qu’il recouvre sa lucidité.
Coincé entre le sommeil et l’éveil, l’esprit se retrouve comme emmuré dans son propre corps et en proie à un cauchemar. Cette expérience particulièrement angoissante n’est pourtant pas un phénomène rare, 40% de la population sondée lors d’une étude témoignait en avoir fait l’expérience au moins une fois dans leur vie. Aussi étrange que cela puisse paraître, la paralysie du sommeil est presque systématiquement accompagnée de visions et perceptions extraordinaires.
« J’ai eu plusieurs épisodes de paralysie du sommeil dans ma vie et à chaque fois, j’ai ressenti cette sensation d’être prisonnière des limbes de l’enfer, raconte Jeanne 32 ans. Cela commence toujours de la même façon, je pense pouvoir me réveiller mais mes yeux ne s’ouvrent pas, ils sont comme collés, je me sens complètement lucide mais je rêve encore. Je cherche à allumer la lumière, les interrupteurs ne fonctionnent pas, et je sens un danger, une présence, une voix menaçante qui veut s’en prendre à moi, je crois que je vais mourir… Une nuit, j’ai vécu une expérience encore plus terrifiante que celles que j’avais eu auparavant. Encore une fois j’étais totalement incarcérée dans mon corps incapable de me réveiller pendant que je sentais que quelqu’un au pied de mon lit tirait mon drap et soudain je vis un être qui avait une apparence monstrueuse, inhumaine, il me souriait, son sourire était hideux. Cette scène me marque encore, je ne m’en souviens pas comme l’on se souvient d’un rêve mais comme une scène parfaitement nette que l’on a vécu à l’état d’éveil. »
Certains témoignent d’une impression de ne plus pouvoir respirer, parlent d’une compression intense de la cage thoracique. D’autres évoquent une connotation sexuelle, une présence menaçant d’agression, et notamment d’agression sexuelle. Des hallucinations auditives ou corporelles sont également rapportées, des voix, des craquements d’os, des claquements de portes, des sols qui grincent, des sorties de corps. Fort heureusement, hormis le côté particulièrement effrayant de ces sensations engendrant stress et anxiété, la paralysie du sommeil ne présente pas de réel danger.
Comment s’explique la paralysie du sommeil ?
Faits récurrents ou isolés, ces épisodes ont été étudiés par la science. Il faut avant tout comprendre que la désactivation des muscles et des réflexes pendant le sommeil est un phénomène tout à fait normal. C’est pourquoi nous ne vivons pas physiquement nos rêves sinon quoi nous pourrions faire face à quelques déboires. Alors que se passe-t’il pendant la paralysie du sommeil ?
Lors du sommeil paradoxal, les fonctions motrices du corps sont paralysées par un phénomène d’atonie musculaire, c’est ce nous permet de ne pas agir physiquement pendant nos rêves. Cette atonie s’explique par la libération d’un neurotransmetteur, la glycine qui inhibe les neurones contrôlant les nerfs spinaux, moteurs de nos réflexes. La glycine se dissipe avant la fin du rêve et avant le réveil mais parfois il arrive qu’elle continue à annihiler les fonctions motrices après la phase d’éveil, ce qui entraîne la sensation d’être totalement paralysé et ne pas pouvoir ouvrir les yeux, ne pas pouvoir sortir de cet état. Ce décalage est un processus biochimique qui est parfaitement compris pas les scientifiques. L’impossibilité de bouger, la sensation de pression sur la poitrine et le manque d’oxygène s’expliquent par le blocage involontaire des muscles respiratoires.
Des visions et perceptions cauchemardesques
Il est moins évident à ce stade pour les chercheurs d’expliquer ces sensations d’ordre extraordinaire. Il est difficile d’identifier simplement ces expériences visuelles, auditives à un rêve lambda. Il s’agit plutôt d’hallucinations vécues dans un état second à la frontière du sommeil et de l’éveil. Néanmoins, pour Allan Cheyne, professeur de psychologie canadien qui a étudié des milliers de cas, ces perceptions s’apparentent biologiquement aux rêves. Il explique que deux mécanismes cérébraux interdépendants gèrent chacun le rêve et le réveil. Or, au moment de la paralysie du sommeil, le premier inhibe le second ce qui fait que l’on se réveille tout en continuant de rêver. Ce processus inhabituel entraîne une panique extrême chez le rêveur dont le cerveau agit comme un projecteur. Il transfère son angoisse sous forme de sensation et d’images. Comme dans le rêve, les perceptions sont le reflet de notre inconscient et l’iconographie projetée est représentative de nos peurs primaires. Cependant, ce qui diffère du rêve c’est cette impression de parfaite lucidité. Tous les ceux qui l’ont vécu témoignent avoir été aussi lucide qu’à l’état de veille et tous s’en souviennent avec précision le lendemain, ce qui n’est pas le cas d’un rêve « classique ».
Un phénomène qui fascine depuis toujours
On retrouve des témoignages concordants partout dans le monde et de tout temps. Toutes les cultures l’évoquent avec les systèmes de croyances qui leurs sont propres. Entré dans le folklore de nombreuses régions du monde, il est décrit avec constance comme une manifestation maléfique parfois sous forme de démon ou de sorcière, de djinn dans les pays arabo-musulman, d’un elfe en Scandinavie…Peu importe les croyances et légendes construites autour de la paralysie du sommeil, toujours est-il que les témoignages décrivent une expérience qui se manifeste systématiquement de la même façon, dépeigne un mythe aux similitudes troublantes. C’est toujours à cette idée d’un esprit malveillant ou d’une créature effrayante que l’on fait appel pour expliquer ce phénomène. C’est en ce sens qu’il ne s’agit pas simplement d’une croyance mais d’un phénomène étrange mais bien réel.
La paralysie du sommeil a marqué les légendes et les mythes à travers les siècles. La tradition ésotérique européenne le nomme « incube », terme issu du latin incubare qui signifie se coucher sur. L’incube est une sorte d’esprit qui se livre à des rapports sexuels avec les vivants. Au Brésil, un conte folklorique met en scène une créature féminine aux ongles très longs appelée « Pisaderira », qui s’introduit dans les chambres pour écraser la cage thoracique des dormeurs. Les catalans parlent de « Pesanta », une autre créature légendaire représentée sous forme d’un chat ou d’un chien noir. La terminologie employée par les mexicains pour désigner la paralysie du sommeil signifie littéralement : « un cadavre a grimpé sur mon corps ». La tradition chamanique l’impute à des attaques de sorciers. Les japonais se réfère au « Kanashibari » un esprit justicier et vengeur qui enchaine ses victimes pour les empêcher de bouger et les étouffer. Les chinois la décrivent comme le « fantôme de l’oppression ». En Algérie, cette réalité étrange prend le nom de « bou berak » (celui qui pèse sur le corps du dormeur) ou au Maroc « boughtat » (celui qui te recouvre). Ces termes maghrébins font référence à un djinn ou un homme noir qui existe aussi en Turquie sous le nom de « karabasan ».
Le mot « cauchemar » lui même tire son nom d’une légende scandinave et flamande, la Mare (aussi appelée Mara ou Marh), un fantôme malveillant responsable de la paralysie du sommeil. Il en est de même pour la racine du terme « Nightmare » en anglais.
De nos jours il a inspiré un film réalisé par Rodney Ascher, «The Nigtmare» un film qui met en scène les récits angoissants des rêveurs éveillés.
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